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[Forton]

Les Pieds Nickelés,
cent ans de roublardise.

Le 4 juin 2008 précisément, la bande dessinée a fêté l’une de ses séries mondialement connue, de celles qui restent dans la mémoire collective, à savoir les fameux Pieds Nickelés, oeuvre de l’un des pionniers de la BD française, le bas-normand Louis Forton.

Les pieds nickelés , vu par notre coinceur Thierry

Pourtant, qui sait que cet auteur est né le 14 mars 1879 dans la ville de Sées, une paisible cité à une vingtaine de kilomètres au nord d’Alençon, un chef-lieu de canton dont la haute silhouette de la cathédrale gothique Notre-Dame domine placidement la plaine. Précisément, le jeune Louis Adolphe nait à neuf heures trente au second étage d’une maison de ville appartenant à la famille de Marie Tonnelier, alors rue des planches, aujourd’hui au n° 5 de la rue Aristide Briand, où résident ses parents. « Le père de Louis se prénommait Albert, sa mère Marie-Henriette Adolphine, née Hébert. » précise aujourd’hui Gérald, son petit-fils. Le premier, piqueur d’attelages, a trente-cinq ans, la seconde vingt-quatre.



Au-delà de son petit-fils, quelle est la postérité des Pieds Nickelés ? Si le brillant Alexandre Vialatte se réfère au trio dans ses brillantes Chroniques de la Montagne, ce sont surtout des dialoguistes comme Michel Audiard et des bédéistes comme Tillieux, Margerin ou Tramber qui poursuivent la veine anarchiste inaugurée par les trois escrocs. Si le trio est quasi-absent des manuels scolaires de littérature des dernières années, hormis le Précis d’histoire de la littérature française de Fragonnard en 1987, la meilleure consécration ne réside-t-elle pas dans le fait que leur nom soit passé dans le langage populaire...



A l’ombre de la cathédrale de Sées, une rue et une école portent le nom de Louis Forton. De même, une discrète plaque informe le chaland sur la façace de sa maison natale. Il n’en demeure pas moins dommage que le centenaire d’un des plus grands créateurs du neuvième art ne soit dignement célébré dans sa bonne ville ornaise, comme dans le reste de l’Orne, si enclin à célèbrer cette Sainte-Thérèse comme sa figure emblématique. En 1852, Sées a élevé une statue à l’auteur de la fameuse mine, mélange cuit d’argile et de graphite, due à Nicolas-Jacques Conté, pourtant né à Aunou-sur-Orne. Ce centenaire sera-t-il l’occasion d’en faire de même pour cet authentique sagien qu’est Forton ? Nul autre sagien n’est mieux connu dans le monde...




De même, ce centenaire aurait pu être l’occasion révée de fédérer ce département sans identité, pourtant si discret et si attachant, autour d’icones mondialement connues, de péréniser l’auteur dans son terroir aussi. Cette célèbration des médias de masse et de la grande presse internationale y connait peu d’échos. Si l’éminent historien Jean Tulard de l’Institut consacre une monographie au trio, si les éditions Vents d’Ouest publie un florilège de la série, ses instances culturelles n’envisagent aucune commémoration, ni festival, ni conférence, ni exposition, ni prix, ni ouvrage resituant son auteur dans son territoire.


Qu’il est regrettable que la majorité des jeunes ornais ignorent la BD qui a enchanté tant de générations de galopins, de Sartre à Vian en passant par Godard, Huppert ou Tchernia. Ce département a-t-il une identité si forte qu’il faille omettre un tel artiste ?


Nul n’est prophète en son pays, c’est connu, tout comme une année compte trois cent soixante cinq jours. Peut-on espèrer que d’ici le 4 juin 2009 les responsables politiques régionaux rattrapent un tel silence ? Formulons le voeu que Louis Forton rejoigne le Panthéon des grands littérateurs ornais de sa génération, du savoureux Jean de la Varende au prix Nobel de littérature ornais, Roger Martin du Gard. Pour le moins, cette reconnaissance serait loin d’être une escroquerie de pieds nickelésnickelés ! Allez, les aminches, un peu d’imagination ?






Jean-François Miniac